Maison européenne de la Photographie, hiver 2016

J’ai vécu à proximité de la maison européenne de la photographie pendant trois ans sans jamais y mettre le pied. Cette fois, je me suis pris par la main pour y aller enfin ! La MEP exposait, à ce moment-là, Bettina Rheims, sur trois étages dans une grande rétrospective, Renaud Monfourny et Tony Hage dans des expositions plus petites que j’ai trouvées très intéressantes ainsi que le travail de photographes taïwanais qui ne m’a pas parlé du tout

Le point commun des trois photographes que j’ai vu exposé à la MEP était un petit côté people. En effet de nombreux clichés présentaient des stars de la musique, de la mode, du cinéma dans des photographies aux côtés artistiques intrinsèques. Les différences entre les photographes étaient visibles par le style mais aussi par la scénographie : Bettina

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Vue de l’exposition Sui Generis, Renaud Monfourny

Rheims et Tony Hage en white cube, les photographies de Renaud Monfourny étaient exposées de manière un peu plus originale : cadre dorés, murs parme et cartels imprimés sur métal. Renaud Monfourny et Tony Hage exposaient exclusivement en noir et blanc tandis que les deux types de photographie étaient exposés dans la rétrospective Bettina Rheims. Il ne fait aucun doute que ces photographies, bien qu’elles aient pu être destinées à la presse, sont des œuvres d’art. La recherche de leur composition, l’instant décisif capturé par certaines en font des morceaux choisis, volés au temps mais aussi construit par un regard artstique. C’est d’ailleurs la marque du travail de Bettina Rheims qui a extrait des photographies de son travail presse pour l’insérer à ses travaux en série.

Je ne pourrais pas vraiment développer plus les aspects des expositions Hage et Montfourny car il y avait peu de matériel de médiation et aussi peu d’espace pour développer un propos. L’exposition Bettina Rheims se déroulant sur trois niveaux, il y a bien plus à dire ! En plus, j’ai étudié son travail en licence et j’ai appris à l’apprécier. C’était un vrai plaisir pour les yeux de parcourir les salles devant les photographies très grand format. A en oublier mon mal aux pieds !

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Bettina Rheims est très connue pour ses photographies de mode.

L’objet des trois étages d’exposition est de revenir sur tout le travail de Rheims, présenté par série. Depuis les débuts, avec des modèles acrobates ou prostituées, à la photo de mode, en passant par la série sur le genre, série la plus marquante de l’exposition à mon sens.

C’est assez amusant de passer de salles en salles et de découvrir des photos dont le propos esthétique varie de la femme objet à la super woman, de la femme presque divinisée à la femme objet sexuel, de la femme connue à l’anonyme. L’exposition enchaîne les vis-à-vis et les contrastes, au sein des séries, mais surtout entre les séries exposées dans une même salle, souvent en face à face.

Si je me questionne habituellement sur l’image de la femme, Rheims transpose la question sur l’image du modèle en photographie, au-delà du genre. En effet, l’objectivation de la femme en image n’est pas seulement liée à son sexe mais aussi au rôle du regard du photographe (ou plus globalement de l’artiste) sur le modèle qui est un support à la création. La question reste entière pour les documents et les muséographies. Chez Rheims, le modèle a tous les rôles, et c’est intéressant de voir la façon dont, par rapport à une femme dont on attend une certaine image (icône, star, mannequin, transsexuel, prisonnière, etc.), la photographe va détourner, accentuer ou nier cette image. L’icône devient abordable, la star femme au foyer, le mannequin enlaidi ou normalisé, etc. Ainsi plus que le traitement du genre dans l’art, c’est le positionnement de l’artiste face à son genre ou l’altérité qu’il est intéressant de remarquer, globaliser et dépasser.

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Edward V. III, June 2011, Paris (c) Bettina Rheims, lebonbon.fr

J’arrive à la série qui m’a le plus marqué dans l’exposition, et qui est pour moi une exposition en soi : la série sur le genre. Déjà le traitement de l’espace n’est pas le même. Toute la salle traite de l’androgynie, avec deux séries qui se complètent autour de transsexuels anonymes ou plus connus. Il n’y a pas de contraste de thème. L’espace dispose également d’une installation sonore, réalisée à partir de témoignages de personnes trans, qui met bien les points sur les i. Un reportage est également diffusé. La salle qui suit poursuit la thématique en la confrontant à une série asiatique qui nous replonge dans la rétrospective. Quelques photos de la série asiatique sont en lien avec le sujet du genre mais pas toutes. Cette partie de l’exposition apporte un regard neutre sur la beauté, et porte à l’évacuation de la question du genre. A partir du questionnement sur le genre, j’ai cheminé vers le dépassement de cette question pour appréhender les photographies et les modèles comme de belles personnes. On se pose forcément la question de l’identité sexuelle de la personne qu’on regarde, et la photographe en joue. Un peu comme la statue de l’hermaphrodite du Louvre, ces photographies se regardent en deux temps. De toute façon on sait que ce sont des transsexuels et que la photographe cherchera à nous tromper. Se questionner, c’est entrer dans le jeu. Mais c’est aussi accepter la personne que l’on voit photographiée de la façon dont elle se présente, dans sa quête d’une coïncidence entre son âme et son corps. On voit des cicatrices, mais aussi beaucoup de fierté ! J’en retire un goût encore plus affirmé pour la beauté du corps humain sans considération genrée.

Mon regret dans ces expositions de la MEP, le manque d’accompagnement du visiteur. Le lieu semble éminemment dédié à un public averti, voire connaisseur, car peu d’outils sont mis à la disposition du visiteur pour comprendre le travail de Bettina Rheims. Quelques textes contextualisent son travail, la chronologie des séries et les petits panneaux présentent le sujet de la série en quelques mots. Si je suis très partisanes des textes morcelés et courts, là il manquait quelques clés, ou la bonne idée de médiation, pour rendre cette exposition pleinement accessible cognitivement. J’ai eu l’impression que les textes allaient en raccourcissant au fur et à mesure de l’expo. Une prise en considération de la fatigue grandissante des visiteurs ? C’est en rentrant que j’ai lu le petit dépliant disponible à l’accueil. Celui-ci n’était pas du tout mis en valeur, je l’ai donc rangé dans mon sac. En fait, pour chaque exposition, il diffusait des informations fondamentales pour la visite. J’ai raté cette opportunité à cause de ma fâcheuse habitude de laisser l’information venir à moi et non le contraire dans les expositions.

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Vue de l’exposition Bettina Rheims

Je ne pense pas que Bettina Rheims soit particulièrement grand public par les sujets de ses photographies. Mais la popularité de ses modèles, et notamment Madonna, peut attirer un public très varié. Cette dernière est en effet la tête d’affiche de la rétrospective. Son attractivité peut parachuter des fans dans un univers complètement décalé et ils devront s’armer de patience jusqu’en salle 4 pour découvrir leur idole. Ces visiteurs apprécieront sans doute plus les expositions de Hage et Monfourny, plus sages.

Les expositions Rheims, Hage et Monfourny s’achèvent le 27 mars 2016 à la MEP. A la publication de cet article il vous reste donc quelques jours pour aller les voir. Toutes les informations sur le site de la MEP.

2 commentaires sur “Maison européenne de la Photographie, hiver 2016

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