La petite galerie, les mythes originels expliqués aux enfants, pas seulement !

Avant mon dernier voyage à Paris, je n’avais pas eu l’occasion d’aller visiter la petite galerie du Louvre, celle « dédiée aux enfants », qui présente les mythes fondateurs autrement que dans les départements classiques. C’est une belle découverte qui continue le mouvement vers une modernisation de la médiation et de l’exposition au Louvre.

Une magnifique scénographie

Dès l’escalier, on sent qu’on entre dans une parenthèse par rapport aux autres départements du Louvre. Ici, pas de salon ancien, de cimaises en bois ou d’alignement infini d’œuvres. L’espace est immersif, épuré mais chargé de sens. En effet, la montée des marches (je ne développerai pas l’aspect sémantique d’une telle ascension) vers les salles d’exposition est agrémenté de mots et d’étoiles (tu me mets des étoiles dans une exposition et ça y est j’ai cinq ans et demi). Les mots incitent le « jeune » visiteur à un certain état d’esprit mais il s’adresse aussi, à mon sens, aux adultes et aux concepteurs. C’est une sorte de cahier des charges, autrement dit une promesse : Transmettre !

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La première salle tient d’amblé cette promesse, fil d’Ariane au sol, l’espace est pensé accessible (il doit y avoir un ascenseur quelque part également), et avec une efficacité exemplaire, pour transmettre les contenus mais aussi l’idée que le musée peut être attractif et vivant.

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Le texte d’introduction de l’exposition de la petite galerie

Si le beige est favorisé, la salle sur la nuit et le jour est d’un très beau bleu qui met tout de suite dans l’ambiance. Les textes sont mis en forme au sens propre. Selon le sujet, la forme du paragraphe sera différente, en mode calligrammes mais plus faciles à lire. Mon préféré était la massue d’Hercule, même si je ne suis pas sûre que ce soit la plus reconnaissable. En tout cas le travail de graphisme de texte est superbe !

Une muséographie simple, sans être simpliste, pour tout le monde

Le parcours muséographique est simple, trois salles, trois thèmes : les dieux, le jour et la nuit, les héros et antihéros. L’objectif est de présenter les points communs aux civilisations : trouver des justifications aux phénomènes naturels par des histoires ergo des mythes. La variété est de mise afin de montrer la diversité naturelle des civilisations mais aussi de mettre en évidence en quoi elles se rejoignent et donc d’invoquer un sentiment de tolérance de la façon la plus simple qui soit.

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Vue sur la partie « nuit »

Cette simplicité de parcours et de thématiques permet de développer un contenu riche qui donne de bonnes bases conceptuelles sur l’histoire de l’art, les civilisations et les musées. Car l’objectif de la petite galerie est d’offrir aux enfants, et leurs accompagnateurs, un espace où tout est optimisé pour favoriser la découverte de manière ludique et pertinente.

Aussi, cette petite galerie est très agréable à visiter que l’on soit enfant ou adulte, peu habitué des musées ou complètement muséovore. Le propos s’adresse à tous dans une forme plaisante et attractive. Même si l’espace a été pensé en priorité pour les enfants et les familles, il peut se visiter en adulte seul, contrairement à la cité des enfants par exemple où il faut être accompagné d’un enfant. Car ne soyons pas dupe, les expositions conçues « pour les enfants » s’adressent aussi aux adultes et ce de manière plus agréable qu’une exposition classique. Aussi je ne suis en général pas convaincue par les parcours enfants, aucun enfant ne visite un musée seul. Je trouve en général les discours enfants plus agréables car plus brefs et pragmatiques. Et, dans les familles, c’est le parent qui lit souvent le discours enfant pour le transmettre à sa progéniture. L’éventuel discours « adulte » passe ainsi à la trappe. Concevoir son texte d’exposition pour tout le monde, nettoie l’espace d’un encombrement et rend la visite globalement plus agréable.

Par rapport au Louvre Lens, dont l’objectif est aussi de démocratiser le musée, ici, le primo-visiteur s’arme réellement pour la compréhension d’un univers muséal « normal ». Certes les départements sont décloisonnés mais l’utilisation de la vitrine et l’enchaînement thématique est maintenu. Et, si la proposition du Louvre Lens est intéressante, celle de la petite galerie peut constituer une vraie démocratisation en ce qu’elle donne les codes du musée « normal » en l’enrobant dans un joli papier. Les codes sont là, des clés supplémentaires sont données au visiteur par l’ajout d’objets plus attractifs (le casque de Vador) et surtout de nombreux outils de médiation simples mais très attirants et efficaces.

Les objets attirants ne sont pas ceux qu’on croit

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Couverture du petit livret de la petite galerie : Vador, Hercule et le kitsune, même combat !

La communication du Louvre pour la petite galerie tourne beaucoup autour du masque de Dark Vador et de quelques autres objets dont la forme est intrigante ou amusante, voire mignonne pour le kitsune. Toutefois, ces objets, réunis dans la dernière salle du parcours, qui est aussi la plus grande, se sont pour moi effacés au profit d’autres et notamment ceux mis en avant par les dispositifs de médiation. Les œuvres sélectionnées sont issues, pour la plupart, des départements du Louvre et ne constituent pas des œuvres phares des visites habituelles. Elles sont ici très bien valorisées, prennent de l’ampleur et surtout du sens grâce la médiation qui en est faite.

Focus sur les outils de médiation

La scénographie et la muséographie sont les premiers acteurs de la médiation des expôts, mais si vous avez déjà lus quelques articles de Muséovore, vous savez que je ne les pense pas suffisants pour le premier venu. La petite galerie du Louvre développe différents outils, mais pas trop nombreux non plus, pour favoriser l’accès aux œuvres. Tout d’abord le toucher : les cartels des objets (doublés en braille et présentés dans une inclinaison qui doit être satisfaisante pour cette lecture) sont accompagnés d’échantillons de matériaux. Cela permet de sentir comment ça fait de toucher telle ou telle matière : c’est froid, lisse, rugueux, etc. C’est très salvateur dans un musée ! Et cela évite aussi de poser une frustration comme premier contact et plutôt d’installer une différence : je touche ci et pas ça.

IMG_20160311_105041Si la petite galerie n’était pas noire de monde le vendredi de ma venue, quelques enfants commençaient toutefois leur visite en même temps que moi. L’effet a été immédiat : ils se sont précipités vers les dispositifs que j’ai baptisé « cocotte » à cause de leur forme. Il s’agit de quatre volets triangulaires assemblés en carré, comme les coins d’une cocotte en papier dont on doit soulever les angles pour découvrir des questions, des gages etc. La forme parle toute de suite, la consigne est implicite. Toutes les œuvres ne disposent pas de cocotte, elles permettent l’approfondissement de l’approche de ces œuvres en particulier. On y retrouve l’échantillon à toucher mais aussi des questions. Mais ici, pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Il s’agit d’inciter à réfléchir sur l’histoire de l’oeuvre, sa signification. Certains angles incitent aussi à l’interaction : mime, photographie, point de vue, déplacement dans l’espace. Ces petites phrases m’ont fait penser à Museum Hack et ses visites actives où le corps du visiteur est acteur.

Pour les plus traditionnels, les récalcitrants ou les petits habitués des parcours « jeux » aux questionnaires pseudo ludique, un petit livret est distribué gratuitement. Pour les vrais aficionados, le catalogue de cette première exposition de la petite galerie est une version étendue et développée de ce carnet. Je trouve ça presque dommage de ne pas avoir plutôt poursuivi le questionnement ouvert plutôt que les jeux que les enfants font à longueur de temps. Même si je conçois l’attachement qu’on peut avoir à leur égard. Il faut toutefois reconnaître que celui-ci est réellement conçu pour interagir avec l’exposition, le tableau original du jeu des 7 erreurs n’est pas reproduit par exemple. D’autres éléments sont à faire exclusivement à la maison : comme le dessin ou le coloriage. Un moyen de faire poursuivre la visite.

J’ai beaucoup apprécié le moment passé à la petite galerie et je retournerai avec plaisir dans cet espace pour voir d’autres expositions en espérant qu’elles seront aussi bonne voire meilleures ! L’utilisation des couleurs, la médiation, la simplicité du parcours font de cette exposition un voyage équilibré entre connaissance et jeu. Je salue aussi l’absence de numérique et d’écran dans cette partie du Louvre, alors que d’autres départements disposent d’outils très innovants. Les cocottes réalisées en bois sont simples mais très efficaces. Vive le lowtech ! Les petites cocottes pourraient d’ailleurs être répandues à d’autres endroits du musée encyclopédique qu’est le Louvre. Leur pouvoir attractif fait déjà ses preuves.

Vous pouvez aller visiter l’exposition Mythes fondateurs, d’Hercule à Dark Vador, à la Petite Galerie du Louvre, aile Richelieu, jusqu’au 4 juillet 2016.

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