Anselm Kiefer à Pompidou, les effets dévastateurs de la lumière

J’attendais énormément de la rétrospective Kiefer au Centre Pompidou. En effet, il s’agit de mon deuxième artiste préféré après Gerhard Richter (j’ai un truc pour les Allemands). Lors de mes études, j’ai appris à aimer ses compositions sombres et profondes. J’avais eu l’occasion de voir des œuvres isolées, au Louvre ou dans des expositions thématiques. L’épaisseur de sa peinture me fascine ainsi que le côté spectaculaire des formats. Les retours sur les réseaux sociaux étaient bons, les visiteurs enthousiastes. Quelle déception lors de ma visite !

J’étais accompagnée par une amie, toute aussi fan de Kiefer que moi. J’ai été d’autant plus heureuse de partager cette visite que nous en avons eu la même réception et la même analyse. C’est assez rassurant. 

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L’oeuvre de Kiefer est marquée par l’image allemande post Seconde Guerre mondiale, la difficulté de s’affirmer Allemand quand le monde juge ce peuple pour crimes contre l’humanité. La culpabilité marque toute une génération, voire deux, voire plus. C’est d’ailleurs le premier angle que traite cette exposition. Les œuvres sont dures, les images fortes, le concept terrible parfois. Mais là déjà, quelque chose ne va pas dans l’exposition. Arrivées dans la troisième salle, nous nous retrouvons avec mon amie et nous nous avouons, presque avec honte, que nous n’aimons pas ce que nous voyons. C’est anormal. Cet artiste est fantastique !

Mais les œuvres ne parlent pas, elles restent muettes et ternes. Elles sont pourtant entourées d’une médiation dosée, peut-être un peu en dessous de ce qu’il faudrait mais c’est assez juste. Le problème ne vient pas de là. Habituellement le livret distribué dans les expositions reprend les textes principaux. Ce que j’apprécie en général de lire à la maison. Là, il s’agit de descriptifs d’œuvres choisies, somme toute des cartels détaillés. C’est une véritable aide à la visite, à la découverte sémantique de l’oeuvre de Kiefer. Et cela est nécessaire car l’artiste est loin du premier degré. Finalement, nous n’arrivons pas à accrocher notre regard.

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Après un aspect historico-identitaire, apparaît la palette, allégorie du peintre à ceci près que le peintre contemporain n’en a pas l’usage. Ce symbole est décliné dans différentes œuvres où il est plus ou moins visible sur l’accrochage. C’est le texte qui permet de l’identifier, de le chercher et de le trouver dans les œuvres de la salle. Le propos se fait plus poétique mais toujours d’un point de vue germanique avec des références à la littérature allemande classique, aux opéras de Wagner. Ça me fait plus penser à Louis II de Bavière qu’au nazisme même s’ils les ont récupérés.

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A ce moment-là nous arrivons dans la salle consacrée aux œuvres Au peintre inconnu. Parmi mes préférées de Kiefer. Elles synthétisent assez bien les différents aspects de l’oeuvre de Kiefer. On y retrouve les grandes architectures nazies, la palette symbole de l’artiste ainsi qu’un côté poétique et un peu grandiloquent parfois. Ça a son charme. Enfin, normalement, car ici les œuvres paraissaient à nouveau ternes et plates. Après ces quelques salles nous avons identifié ce qui n’allait pas pour nous : la lumière. Les œuvres étaient éclairées d’une lumière d’un blanc pur. Dans d’autres circonstances, cela aurait été parfait mais la palette noir blanc marron et beige de Kiefer ne se prête pas à cet éclairage franc. Un peu plus de jaune aurait ajouté de la chaleur, de la profondeur et des ombres. Une touche un peu plus industrielle que le white cube aurait aussi donné une ambiance plus propice à la découverte et la plongée dans l’univers de Kiefer. C’est d’ailleurs concordant avec l’ambiance créée par l’artiste à Barjac par exemple. Le centre Pompidou avait fait de belles scénographies pour les expositions que j’y avais vu précédemment Dali et Dada. La scénographie était plus adaptée à l’univers du ou des artistes présentés.

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Nous étions alors arrivées à la moitié de l’exposition, avions identifié ce qui nous gênais a priori et restions complètement fan de Kiefer, juste pas sous cette lumière-là. A partir de là j’ai découvert des œuvres très intéressantes que je ne connaissais pas. Ce que Pompidou appelle l’alchimie du verre, ces sortes d’aquarium où Kiefer fait des installations à partir de morceaux métalliques et végétaux. Les noms sont toujours poétiques. Ce sont les œuvres qui rendaient le mieux sous cette lumière.

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Saturn-Zeit, exposé dans l’atelier de Kiefer Photo : Café géo

Les pièces suivantes présentaient des œuvres plus récentes, grandioses, poétiques, épaisses. Du grand Kiefer ! Je ne pouvais qu’imaginer la mesure qu’elles prendraient sous la bonne lumière. Nos yeux s’habituaient à cette lumière blafarde et les souvenirs des autres œuvres vues permettaient à l’imagination de redonner de la profondeur et du contraste. L’exposition s’achève sur une grande installation poétique et démesurée.

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Photo : View from a Burrow

Arrivées à la boutique, les reproductions du catalogue, du journal de l’exposition et des hors-série m’ont encore convaincue que quelque chose clochait dans l’exposition. Les reproduction des œuvres sont magnifiques, les noirs profonds, le blanc vibrant. Nous avons laissé nos porte-monnaies exprimer la frustration ressentie tout au long de l’exposition…

L’exposition Anselm Kiefer s’achève le 18 avril au centre Pompidou, il vous reste un peu de temps pour vous faire une opinion et la partager ici !

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2 commentaires sur “Anselm Kiefer à Pompidou, les effets dévastateurs de la lumière

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  1. Bel article! J’ai longtemps hésité à aller voir cette exposition, mais je n’y suis pas allée au final. J’avais peur d’être déçue par ce que je connaissais de lui… la derniere photo du tableau est vraiment très belle ! j’aime beaucoup ce côté là de Kieffer !

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