Lors de ma dernière visite à Paris, je ne pouvais passer à côté de l’exposition Barbie aux Arts décoratifs. J’avais raté cette exposition dans sa version milanaise lors de mes vacances, et comme pour Le Repas à Emmaüs du Caravage (exposée à la Pinacothèque di Brera), elle m’a suivie en France pour que je ne la rate pas ! C’est un retour en enfance, pour moi qui ait joué avec ces poupées pendant longtemps. L’exposition laisse aussi entendre qu’on peut continuer à jouer en étant adulte… Aller, direction le magasin de jouets !
Lors de ma visite, l’exposition venait d’ouvrir et apparemment les finitions ont été rapides ! Avec les amies qui m’accompagnaient, nous avons repéré quelques couacs qui ont un peu gâcher notre visite de professionnelles de l’exposition. Les cartels sont numérotés alors que les objets ne le sont pas. Nous avons passé beaucoup de temps à relier cartels et objets pour identifier ceux qui nous intriguaient le plus. Lettres des textes qui se décollent quatre jours après l’ouverture. Pire : scotch oublié à l’intérieur de la première vitrine !
Heureusement l’exposition se rattrape par quelques clins d’œils scénographiques intéressants.
Le parcours de l’exposition mêle plusieurs thématiques. Certains espace proposent un contenu historique sur la poupée ou sur la marque Barbie. Beaucoup de place est consacrée à des mises en scène de la poupée, surtout contemporaine, les derniers modèles sont omniprésents. D’ailleurs, en introduction, il est mentionné que Barbie est présentée ici comme icône de la mode (l’exposition est dans les galeries modes et non dans les galeries jouets, plus petites) avec des photographies, issues d’Instagram, valorisant la poupée déjà dans son image moderne, très fashion victim, habillée et animée par des adultes. La plupart de ces photographies ont été réalisées par l’équipe de communication de Mattel, il est toutefois mentionné que certains Igers font eux-mêmes des photos.

Après ce regard contemporain, on remonte au début de l’histoire de la poupée, le musée des Arts Décoratifs apporte sa caution scientifique avec des poupées de collections qui permettent d’introduire la nouveauté que représente Barbie. Avec Barbie, la poupée n’est plus une représentation de l’enfant qui place la petite fille dans un rôle de maman mais une projection de la petite fille à l’âge adulte qui permet de multiples scenarii. Pour autant, Barbie n’est pas la première poupée mannequin. Elle est inspirée des poupées en papier à habiller ainsi que d’une poupée allemande destinée aux adultes. Des publicités de cette première poupée conseillent aux hommes de l’offrir à leur petite-amie. C’est une mode passagère qui n’aura pas le succès de la version américaine. C’est un couple d’américains fabriquant de jouets, en voyage en Allemagne, qui la découvrent et décident de créer la première Barbie. Le nom est inspirée de Barbara, la fille de Ruth Handler, la femme qui a développé Barbie. La première Barbie est une poupée Pin up, avec une poitrine qui reprend les gravures publicitaires de l’époque, elle est équipée d’un maillot de bain, de lunettes de soleil et de mules qu’on retrouverai bien dans un épisode de Mad Men. Les demandes pour cette première poupée étant forte, elle a été rééditée. C’est l’objet d’une vitrine qui met en scène une première poupée originale entourée de copies dans un ballet.

Il existe des différences entre cette première poupée et ses rééditions, surtout sur la morphologie et la taille de bonnet de sa poitrine. En parlant de morphologie, celle-ci, très décriée, n’est pas abordée de manière directe. Les morphologies de Barbie ont été créées pour « faciliter l’habillage de la poupée » par les petites filles. Les nouvelles Barbie avec leurs trois autres silhouettes sont partout, dès la quatrième ou cinquième vitrine. Le problème connu est présent mais pas clairement explicité avant une vidéo qu’on a une chance sur deux de rater à l’étage de l’exposition.

Les vitrines sont ensuite thématiques même si certaines constituent des sortes de répétitions. L’objectif semble être de présenter les histoires de Barbie mais aussi les publicités, les innovations de la marque (flexibilité de la poupée, accessoires, technologies, …). C’est un passage assez agréable car on comble l’histoire de Barbie selon l’endroit où on l’a prise ou quittée. Les enfants découvrent les prémices de l’histoire, les adultes ce qui s’est passé avant ou après qu’ils aient joué. Sur le parcours, on entends fréquemment : « Celle-là je l’ai eue ».
Le premier niveau de l’exposition s’achève avec tous les métiers que Barbie a eu, dans toutes les versions. Elle a ainsi été trois fois candidate aux élections présidentielles ainsi que deux fois astronautes et est allée sur la Lune trois ans avant Neil Armstrong. Il y a aussi des métiers comme institutrice, médecin, babysitter, cuisinière. Barbie a à peu près eu tous les métiers. Il est dit que dans le chemin sur l’empowerment (je n’ai pas trouvé de mot français approprié) de la femme, Barbie a joué un rôle pour les petites filles. Elles se sont ainsi retrouvées dans la possibilité d’imaginer des scenarii avec des métiers très variés, pouvant projeter leur propre futur. De manière rétrospective pourquoi pas. Il faudrait comparer le succès des ventes des modèles pour estimer de l’influence de ces métiers sur les petites filles. D’autant que ce ne sont pas les petites filles qui achètent les Barbie mais des adultes qui projettent sur elles les scenarii même si elles ont l’occasion de les demander lors d’événements. Ce propos est d’autant plus à nuancer que plus tard dans l’exposition il est mentionné que dorénavant les petites filles cherchent, réclament et jouent principalement avec des Barbie princesses.
Cette seconde partie prend plus de distance avec la poupée pour évoquer l’univers qui gravite autour d’elle. C’est le moment où il y a une petite distance critique par rapport avec la poupée, notamment avec le Barbie-foot. Toutefois les textes recadrent sur le fait que si Barbie est choisie pour des œuvres d’art c’est parce qu’elle est une icône. Preuve en est le portrait réalisé d’elle par Andy Warhol. Les autres œuvres, que ce soit les photographies de Lagerfeld avec Barbie et Baptiste Giabiconi ou les vêtements de Barbie grandeur nature font de plus en plus référence à Barbie et la mode. Jusqu’à la réplique grandeur nature des robes de Barbie. Mais les artistes ayant travaillé sur la morphologie de Barbie, pour lui donner un corps realiste ou encore l’homme Ken sont absents.
Ces différents éléments m’ont fait me questionner sur le fait que l’exposition soit une exposition de la marque, qui apporte des réponses plutôt que de poser les questions. Appose une couche de vernis plutôt que de le gratter. Plus l’exposition avance plus les propos sont dilués en des présentations scénographiques, un grand défilé de Barbie, de mini-vêtements et d’accessoires.
Même si j’ai globalement passé un bon moment, à repasser l’histoire de Barbie, les anciens modèles, les récents, les innovations de la poupée, ma visite a été entachée par un petit goût amer concernant la médiation et le propos de l’exposition. On ressort avec l’envie d’acheter une poupée, la faire à son image et de recommencer à l’habiller, la photographier. Mais au-delà de ça quel était le propos de cette exposition sur la poupée Barbie dans les galeries modes du musée des arts décoratifs ? Si les créateurs sont régulièrement invités au commissariat de leurs expositions dans les galeries modes, la portée de leurs créations n’a pas le même impact que la poupée bestseller sur la société et l’image de la femme. Et c’est peut-être cette dimension qui m’a manquée.
Alors à ceux qui l’ont vu, je pose la question : expo ou publi-expo ? Vous avez jusqu’au 18 septembre 2016 pour aller découvrir Barbie au musée des arts décoratifs.
« Ces différents éléments m’ont fait me questionner sur le fait que l’exposition soit une exposition de la marque, qui apporte des réponses plutôt que de poser les questions. »
Bon résumé de ce que provoque les expositions autour d’une marque en général chez moi…
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Tout dépend si la marque a participé à l’élaboration du discours ou pas… Il faut juste visiter ce genre d’expo et de musée en ayant ça en tête. Après c’est intéressant de voir comment la marque se positionne par rapport à elle-même et son histoire.
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Je doute que les musées obtiennent des prêts sans laisser les marques participer à l’élaboration du discours ou au moins donner leur aval de manière générale. La frontière est souvent mince entre la glorification/publicité déguisée et une exposition autour d’une marque. C’est le capitalisme qui veut ça… L’exemple emblématique : http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/01/19/au-grand-palais-une-publi-exposition-qui-ne-dit-pas-son-nom_4849991_3232.html
Il y a surement des exceptions et j’espère en trouver de plus en plus mais paradoxalement plus une marque à d’histoire à raconter et plus elle fait généralement attention à ne pas ternir son image.
Enfin, ça doit être le pessimiste qui parle…
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Ou peut-être simplement un côté réaliste. Car je ne suis pas pessimiste du tout et je suis d’accord. Par contre c’est réaliste ! Oui effectivement, c’est depuis ce scandale de publi expo que je fait particulièrement attention. Je ne me souviens pas de ce que donnait l’expo Vuitton aux Arts déco…
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C’est une co-production avec Mattel, donc c’est clairement affiché comme une publi-expo. Et du temps que c’est assumé, ça ne me dérange pas, même si forcément le discours est réduit au point de vue de la marque on apprend quand même plein de choses.
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