Les éclatantes Radium Girls de Cy

Je ne sais plus où j’ai entendu parler de ces Radium Girls, peut-être dans une vidéo YouTube, mais c’était avant de connaître le roman graphique réalisé par Cy. Suite à un jeudi BD organisé par la BPI sur sa page Facebook, j’étais très emballée de lire cet ouvrage. L’énergie de l’autrice est très communicative et l’histoire est passionnante et un peu glaçante. Ni une ni deux, je file à ma médiathèque, demande le livre et ai la bonne surprise de constater qu’il est présent dans les collections et disponible !

Qui sont les Radium Girls ?

Pendant l’entre-deux-guerre aux États-Unis d’Amérique, le radium découvert par Marie Curie, est utilisé dans de multiple usages : cosmétique, sanitaire et également pour peindre les chiffres des cadrans de montre. Il est choisi pour ses propriétés phosphorescentes. A cet époque le radium est extrêmement à la mode, on en met partout, même dans de la laine pour bébés… On constate en effet que le radium donne bonne mine, comme une lumière qui vient de l’intérieur…

Pour peindre les cadrans de montre, des jeunes femmes sont engagées. C’est un moment charnière pour ces femmes qui obtiennent un travail payé décemment, elles ont ainsi une autonomie financière, à une époque où elles obtiennent également le droit de vote aux USA. Les femmes sont dans un mouvement de libération assez global.

Le revers de la médaille, c’est que le radium, c’est mortel ! Pour peindre les nombres, le pinceau fin doit être lissé par les lèvres à chaque fois. Les opératrices ingèrent ainsi de la peinture par petite dose à longueur de journée alors que la cadence demandée est de 250 cadrans par jour ! Certes l’empoisonnement est d’autant plus rapide qu’elles ont de nombreux cadrans à faire mais dès la première dose, elles sont mortellement contaminées.

Ce qui est d’abord perçu comme un effet « bonne mine » est un premier effet du radium. Se fixant sur les os, ils deviennent phosphorescents. Le premier surnom des Radium Girls était Ghost Girls car on percevait les os de leur visage à travers leur peau.

Après l’effet bonne mine vient la chute des dents, les douleurs aux os, les fausses couches, l’invalidité puis la mort. L’augmentation des morts parmi les Ghosts Girls porte au changement de nom en Radium Girls. Des médecins aident les Radium Girls à prolonger leur durée de vie, mais les soins sont coûteux et le système de soin états-uniens étant ce qu’il est, elles ne reçoivent pas d’aide financière, d’autant qu’elles ne peuvent alors plus travailler, ni aider au foyer.

Certaines Radium Girls ont poursuivi les entreprises en justice. Le système judiciaire est lent et le temps leur est compté. Il est alors plus judicieux pour elle de trouver une solution à l’amiable, permettant d’avoir une somme d’argent pour payer les soins, les funérailles et aider leurs familles.

Un album plein de vie

L’autrice a été prise de passion pour le sujet. Il y a des histoires comme celle-là qui, quand on en prend connaissance, deviennent urgente à mettre en forme. Il y a alors une sorte d’aisance à écrire. Et puis il y a aussi les recherches pour connaître le contexte historique et social et l’autrice a aussi fait un important travail de recherches sur le quotidien des Radium Girls, jusqu’aux poignées de portes !

L’époque est celle des années 1920, de la prohibition, de ses speak easy clandestins, du charleston et des maillots de bain qui commencent à ressembler à des maillots de bain. C’est une époque joyeuse, riche de progrès et de fascination pour ce dernier. L’album retranscrit très bien cette ambiance en apparence très légère.

N’ayant pas laissé de journaux, la personnalité des Radium Girls n’est pas connue, l’autrice est partie du caractère de ses amies. La bande est variée, joyeuse et attachante. Ces jeunes femmes d’environ une vingtaine d’année ont chacune des points de vue, des ambitions, des projets différents, … Elles sont vivantes en ce sens, pleines de jeunesse. Cette jeunesse va tourner court avec l’apparition des symptômes et les premiers décès.

Une œuvre d’art

Le terme de roman graphique s’adapte tellement bien à ce genre d’ouvrage qui est autant un récit qu’une œuvre d’art graphique ! Que ce soit l’esthétique, la technique ou la reproduction, un soin très précis a été mis dans chacune des copies du livre.

L’album a une esthétique très précise, aiguisée. Une certaine économie de moyens laisse percevoir une forme d’essentiel. Dans les pages qui suivent l’histoire, il est mentionné que seuls 5 crayons ont été utilisés, un camaïeu de violets et une teinte de vert « radium ». Cette simplicité de couleur est assorti d’une simplicité de ligne. Les détails apportés ne sont pas là pour rien, ils ont tous leur rôle à jouer. Par ailleurs, il n’y a pas de frontière entre la ligne et la couleur.

D’un point de vue technique, ce sont des crayons aquarellables, non aquarellés, qui ont été utilisés pour réaliser les planches originales au crayon. Pas grand chose de numérique ici. Le crayon aquarellable est plus gras, il ne lustre pas le papier et permet donc, comme le dit Cy dans son intervention à la BPI, de travailler par couche de couleur. Pour certaines planches, 5 couches de couleurs se superposent et donnent une profondeur inouïe à l’image.

La reproduction, l’objet final, a bénéficié d’un très grand soin. D’abord le support choisi est superbe, le papier est agréable et sert le dessin. Ensuite, la reprographie laisse percevoir la qualité, la profondeur et le trait du crayon. Les couleurs sont vibrantes, présentes, et soulignent la force du dessin et de la ligne. Et comme le détail fait tout : les visages de la couverture sont recouverts d’une peinture phosphorescentes (sans radium, on espère) qui, dans le noir, fait apparaître les ghosts girls !


J’étais ravie de pouvoir trouver ce roman graphique à la médiathèque car je l’ai dévoré, j’ai pu constater qu’il s’agit d’un objet magnifique que j’aimerais voir intégrer ma bibliothèque autant pour le plaisir de le parcourir à nouveau, que de le faire découvrir à d’autres ! Par ailleurs, les radium girls font l’objet d’un film à sortir sur Netflix (déjà disponible pour les USA). L’occasion de poursuivre sur ce sujet passionnant de féminisme, de science et de sociologie !

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