Ce film est inspiré de la vie de Waris Dirie, une des premières femmes à avoir parlé de l’excision. Il réunit un côté documentaire, une histoire importante et un côté plaisant à regarder car j’ai pu me laisser transporté par le film. Autre avantage du biopic : vous connaissez l’histoire dès le début. C’est un film sans surprise qui n’est pour autant pas dénué d’intérêt et de sentiments. J’ai choisi ce film pour la catégorie « Film où on entend 2 langues » du Movie Challenge 2022.
Une biographie en aller-retour
C’est l’histoire de Waris Dirie, née en Somalie, dans une tribu qui élève des chèvres. Elle vit avec ses sœurs et son frère à qui elle promet de ne jamais le quitter. Après une ellipse, on retrouve Waris à Londres des années plus tard, elle est là depuis 6 ans et pourtant elle ne parle pas anglais, mange dans les poubelles… Elle va rencontrer Marylin, une vendeuse qui cherche à intégrer une compagnie de danse. Elles vont se lier d’amitié et Marylin va aider Waris à trouver un travail et apprendre l’anglais et l’accueille dans son foyer.
Un soir, après un énième refus d’une compagnie de danse, Marilyn et Waris sortent en discothèque. Elles ne rentrent pas ensemble, et Waris surprend Marylin en train de faire l’amour avec un homme. Elles en discutent plus tard dans une scène touchante où Waris apprend à Marylin qu’elle est « coupée », excisée, et elle lui montre ce que c’est. Marylin apprend à Waris que les Anglais n’excisent pas les filles, et que ça n’en fait pas moins des femmes convenables et surtout libres.
Quelques jours plus tard, prise de douleurs au ventre, Marylin emmène Waris à l’hôpital. L’infirmière qui parle somali est en congé, c’est un homme qui va venir lui parler pour traduire ce que le docteur veut lui expliquer. Bienveillant, le médecin lui explique qu’il ne peut pas réparer ses mutilation mais qu’il peut améliorer les choses car elle a été recousue trop serré ce qui lui cause des soucis de santé. Pendant ce temps, l’infirmier l’injurie et tente de l’intimider dans sa langue natale.
On revient alors en arrière pour comprendre que Waris a été promise, dès ses premières règles, à un vieil homme dont elle aurait été la quatrième épouse. Elle s’enfuit une nuit après que sa mère aient expliqué que cet homme a donné beaucoup d’argent pour l’avoir. On voit que sa mère, finalement, la laisse s’échapper. Elle traverse le désert, se fait violer ou subit une tentative de viol dans un camion qui l’emmène chez sa grand-mère en ville.

Waris a finalement compris ce que le médecin lui expliquait et va se faire opérer. Elle va ensuite chez un photographe qui l’a repéré dans le fast food où elle fait le ménage. C’est ainsi que sa carrière de mannequin va commencer. L’agence où elle est envoyée va la booker pour de multiples shootings et défilés. Avant son départ pour Paris, l’agence se rend compte que son passeport n’est plus valable. Après une tentative de lui faire un faux passeport, elle est arrêtée et fait un mariage blanc afin de pouvoir avoir le droit de travailler et rembourser l’agence des frais engagés et des contrats perdus.
Une nouvelle ellipse complète l’histoire sur l’arrivée de Waris en Angleterre. Sa grand-mère l’y envoie car elle lui a trouvé une place de bonne à l’ambassade de Somalie alors que la guerre va y éclater. Plusieurs années passent, Waris ne sort pas de l’ambassade et donc n’apprend pas l’anglais à part les quelques phrases qu’elle entend de la télévision à travers la porte du salon de l’ambassadeur. A la chute du régime somalien, c’est là qu’elle rejoint la rue.

Une grand séquence est dédiée au shooting du calendrier Pirelli. J’ai craint un instant que le photographe se transforme en pervers mais non, c’est plutôt un moment de révélation pour elle, d’acceptation, d’aisance. Le mariage blanc se complique mais elle reçoit juste à temps son permis de séjour à durée indéterminée. Elle peut ainsi commencer sa carrière internationale de mannequin. Elle saisit l’opportunité de retourner en Somalie voir sa mère puis commence à parler publiquement de l’excision. Elle est invitée aux Nations Unies pour un discours sur le sujet.
Un plaidoyer sur la connaissance et la liberté
Ce que j’aime dans les biopic c’est l’espoir qu’ils véhiculent souvent. Quand l’histoire est celle d’une personne qui part d’une situation par forcément unique mais qui va prendre en main son destin pour transcender la situation d’une façon inédite. Que ce parcours soit conscient ou le fruit d’opportunités et de hasards ne change rien à l’énergie que peut véhiculer l’histoire.
Le thème de Fleur du désert est extrêmement dur et pourtant le récit est très inspirant et j’en garde un souvenir plutôt gai. Dans l’adversité certaines personnes savent très bien comment trouver l’occasion d’allumer la lumière qui va convertir l’épreuve en opportunité de transformation vers plus de bonheur. Les scènes dures sont équilibrées par des scènes très gaies, l’évolution de Waris dans le domaine de la mode peut y contribuer. Il y a une absurdité dans les scènes de castings ou de l’agence de mannequin par rapport au parcours de Waris qui allège le ton du film sans rendre le propos superficiel. C’est notamment l’air quasi constamment surpris de l’actrice, dont le personnage peine à suivre des conversations dans une langue qu’elle comprend finalement peu, qui apporte un certain réalisme et rappelle constamment la situation.
La scène de la révélation entre Waris et Marilyn confronte en réalité deux mondes qui s’ignorent complètement. L’une est persuadée que toutes les filles du monde sont excisées, l’autre n’a aucune idée que la pratique existe… Cette prise de conscience change la vie des deux personnages : Marilyn devient d’autant plus persuadée qu’elle doit aider Waris, qui, elle, ouvre le champ de ses possibles. Elle va ensuite conquérir une opportunité de parler de cette tradition et d’éveiller les consciences autour de ces mutilations faites à ces petites filles dont elle fait partie. Cette tribune est offerte par un métier fondé sur l’apparence, qui attire l’attention sur la vie d’une jeune femme sublime qui souffre pourtant de séquelles importantes dans son quotidien qui ne sont pas visibles au premier regard.
Cette révélation libère Waris d’un schéma mental qu’elle pensait unique et universel. Elle se laisse ensuite plus portée par les événements, saisit les opportunités et bientôt celles de parler de son histoire. Elle se fait ambassadrice d’un mode de vie peu connu pour permettre de sauver et soigner des filles et des femmes comme elle.
Je n’ai pas appris l’existence de l’excision dans ce film mais il m’a encore plus donné envie d’en parler. Savoir l’existence d’autres pratiques, leur histoire et leurs conséquences est un moyen pour le spectateur de s’ouvrir au monde et de lui aussi profiter de ces connaissances pour apprécier sa liberté d’action et la tribune qu’il lui est permis d’avoir.
Utilisateur.ice de Pinterest, utilisez l’image ci-dessous pour enregistrer cet article et y revenir facilement

Votre commentaire