J’ai profité de mon envie de découvrir l’exposition Caillebotte à Giverny, après celle de Bayeux, pour enfin aller visiter la maison de Claude Monet. Née et élevée en Normandie, je n’avais malheureusement pas eu la chance, dans mon parcours scolaire, de visiter la maison du célèbre peintre impressionniste.
Comme je le disais sur l’article portail sur le festival, j’ai étudié les peintres dits impressionnistes pendant ma licence d’histoire de l’art. Et si le concept d’impressionniste peut s’appliquer à un peintre, c’est bien Monet. Je me suis également intéressée à sa vie via des reportages, et le Secret d’histoire qui lui est consacré est plutôt bien fait. Tout cela m’a permis de connaître les grandes bornes, les étapes, les œuvres, la vie de famille de Claude Monet. M’étant intéressée à Clemenceau également, j’ai eu des informations sur leur passion commune des jardins, ce que j’ai redécouvert avec Caillebotte.
Bref, je ne suis pas arrivée à Giverny en terre inconnue, même si c’était la première fois que j’y allais. J’avais choisi le mois de juin pour encore avoir un bel éventail de fleurs à voir et prévu mon plus beau t-shirt jaune pour aller avec la salle à manger.
Il y avait pas mal de scolaires en visite pour la journée, et déjà quelques touristes mais l’affluence était encore raisonnable. Le parking ombragé était un vrai plus pour cette journée ensoleillée, le charme conservé au village par les différents galeristes, habitants et autres commerces constitue un joli prologue à la visite. Un peu Disneyland pour les impressionnistes, mais Disney a son charme.
Après la billetterie, passage dans la boutique qui a été l’atelier où les célèbres Nymphéas ont été peints. L’entrée sur le domaine se fait donc par la rue, via les dépendances de la maison. Ce qui permet de conserver les autres espaces dans leur jus (reconstitué et restauré, Disneyland vous dis-je).
Toutefois, à vouloir restituer l’ambiance de l’époque, les pièces manquent d’informations assez essentielles pour moi. Il y avait un document de visite mais il ne m’a pas été remis, je ne sais donc pas ce qu’il comporte comme informations. Je sais juste qu’il y a un plan. Mais sinon je n’ai pas vu d’endroit où il est indiqué la date d’emménagement de Monet, avec qui il emménage, à quel âge, … Si bien que Giverny peut sembler dans une intemporalité, une permanence qui ne correspond ni à son histoire ni à Monet.
Même s’il y a vécu longtemps, l’artiste n’y a pas toujours vécu. Beaucoup d’histoires se sont passées à Giverny mais finalement il n’y a pas vraiment moyen de savoir lesquelles une fois sur place, rien sur la cataracte, sur Clemenceau (bien que son buste soit là), ni même sur l’histoire de la maison, que Monet n’a pas fait construire. Dans quel endroit, si ce n’est celui-là, ces sujets peuvent-ils être abordés ?
Pourtant il ne fait aucun doute que nous sommes dans un musée. Surveillance, mise à distance, fiches de salle vieillissantes servant de cartel aux œuvres et reproduction exposées : il y a des marqueurs de muséographie sans pour autant pouvoir parler de parcours. On ne sait pas dans quelle salle on entre exactement (à part l’atelier-salon et la chambre du maître) ni le lien entre les œuvres exposées et Monet. Il y a en effet beaucoup d’estampes japonaises que le peintre affectionnait particulièrement mais sont-ce celles que l’artiste avait ? Ont-elles était rachetées ? Je n’ai pas réussi à sortir de la maison avec des certitudes ou des connaissances supplémentaires.
Le clou de la visite de la maison est le duo salle à manger et cuisine, un vrai bonheur pour les yeux et pour mon imagination ! Mais là encore pas d’explication sur le choix du jaune pour la salle à manger, ni même le rôle de cette pièce dans la vie de l’artiste : lieu de ses réceptions d’amis et de repas de famille nombreuse avec les Hoschedé. Pareil pour la cuisine, beaucoup de casseroles, mais je ne pense pas qu’elles aient appartenu à la maison à l’époque de Monet. Je n’ai rien contre la reconstitution, ni même les reproductions exposées dans l’atelier-salon. La différence entre les deux cas c’est l’honnêteté scientifique : dans le premier cas il n’y a pas d’explication ou d’annonce alors que c’est le cas dans le second. Je conçoit bien que la plupart des visiteurs se contrefichent de l’originalité des casseroles de la cuisine, ils ne se posent même pas la question et, en soi, une casserole en cuivre de Mme X ou celle de la cuisinière de Monet, quelle différence ? Il y a l’aura de la maison et du lieu, transféré à tous les objets qui y sont exposés.
La maison est finalement plus un site, presque un lieu de commémoration, qu’un musée ; même si des œuvres sont exposées. Elle dispose du label « maison d’illustres » mais sans, pour moi, permettre au visiteur d’entrer dans une intimité cognitive avec l’illustre en question. On ne fait qu’entrer dans l’intimité matérielle et finalement superficielle de l’artiste. On voit le lieu où il a vécu, des meubles, des œuvres mais finalement rien de son quotidien.
Un parcours simple aurait pu être, comme il se fait ailleurs, de suivre la journée de l’artiste : passage par l’entrée avec la boîte à œufs frais, montée à la chambre qui ouvre sur le jardin, s’imaginer le matin, passer dans le cabinet de toilette, devant les chambres des co-habitants, avant d’arriver au déjeuner et à la cuisine, finir par aborder les temps de travail et de peinture ainsi que le jardin. En mettant ce parcours de manière discrète sur des panneaux dans les espaces de circulation ou de manière embarqué sur support numérique, papier ou audio, il n’y aurait pas grands travaux, ni grandes modifications, des espaces. Certes le flux des visiteurs s’en trouverait ralenti. Si un après-midi de semaine de juin accueille déjà des centaines de visiteurs, je n’imagine pas la fréquentation de début août et les problèmes de circulation qu’entraînerait l’installation des textes dans des espaces exigus. Pour autant la transmission et donc la médiation font partie intégrante du travail des sites « maison des illustres » et j’avais jusque-là été ravie de celles que j’ai visité.
Finalement, c’est le jardin qui m’a pris le plus de temps. J’ai hérité de la passion paternelle de la photographie de fleurs, alors le jardin de Giverny, ressemble au paradis. Pas que j’y connaisse grand chose en botanique, je trouve juste les plantes jolies ou intrigantes et j’aime les prendre en photo. Aussi, un tiers des photos prises sur l’après-midi concernent des plantes et le jardin. Là non-plus, ne vous attendez pas à avoir des informations sur la dérivation de la rivière, la date de création de l’étang, du pont japonais, … (hormis peut-être sur le document mystère que je n’ai pas eu). L’endroit est magnifique et régale les yeux et les oreilles (par intervalle entre oiseaux, eau et bruits de route) mais vous n’apprendrez pas grand chose, en botanique non plus. L’équipe de jardiniers travaille de manière discrète pour conserver le jardin dans l’esprit que souhaitait Monet. Mais là encore, origine des compositions et des plantes sélectionnées ne sont pas présentées.
Je vous conseille et recommande la visite de la maison Monet à Giverny et surtout les jardins mais vous conseille de vous armer d’un bon guide (disponible à la boutique d’entrée ou à acheter auparavant) si vous ne connaissez pas Monet, ou la botanique, sur le bout des doigts. C’est loin d’être mon cas et c’est ce qui a donné un goût doux-amer à mon après-midi. J’étais tellement heureuse de venir enfin à Giverny que je me suis retrouvée un peu déçue de survoler ma visite. Moi qui pensais y passer quatre heures, finalement la journée a été assez brève suite à la déception de l’expo Caillebotte. Les espaces sont très beaux mais vidés d’une substance qui laisse un goût de parc d’attraction alors que je venais visiter un site culturel et patrimonial. Les deux sont compatibles et sont même plus efficaces ensemble.
Pour finir cet article un point sur l’accessibilité
La maison dispose d’une entrée PMR, les allées du jardin sont en partie bétonnées pour permettre la circulation des fauteuils. Toutefois, comme beaucoup d’endroits conçus au XIXe, les escaliers de la maison sont étroits, il n’y a pas d’ascenseur et il n’y a pas grand chose à y faire sans dénaturer le lieu. Vous ne pourrez pas non plus accéder à la boutique (à moins que la rampe m’ait échappée). Pour des raisons de sécurité, le passage au jardin japonais, situé de l’autre côté de la route, a été aménagé en sous-terrain auquel on accède, je vous le donne en mille : par des escaliers ! Donc, à moins que le passage se fasse par la route pour ces visiteurs, pas non plus de pont japonais et étang au nymphéas… L’entrée pour les personnes handicapés est à 4€, ce qui est raisonnable, mais avec le risque de rater les éléments majeurs du lieu… Un peu sensibilisée à la question, je trouve dommage que le handicap soit limité à la motricité et qu’il n’y ait pas d’aménagements pour les handicaps mentaux et sensoriels. D’autant que des médiations pourraient très bien être mises en place et profiter à tous ! Malheureusement, la maison Monet à Giverny est loin d’être le seul site ayant des efforts à faire dans ces démarches d’accueil et de médiation à destination du plus grand nombre.
La maison et le jardin de Claude Monet à Giverny sont ouverts de fin mars à début novembre, retrouvez toutes les informations pratiques sur le site.
Un site comparable et pour lequel la solution de la visite guidée obligatoire a été choisie avec succès (de moins point de vue de visiteur ce jour là) : la maison de George Sand à Nohant. Je ne sais si tu l’as déjà visité mais ça vaudrait le coup pour que tu puisses comparer 😉
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J’adorerais ! Je m’intéresse particulièrement à elle depuis que je suis tombée sur ses recettes (avant le Secret d’histoire) mais pas vraiment le temps de lire. Toujours partante pour un nouveau musée. Peut-être en 2017 ! J’aime beaucoup ce que fait le CMN à St Vincent sur Jars pour la maison Clemenceau aussi.
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