J’ai connu ce film par l’interview de Sandrine Kiberlain et Gilles Lelouche lors de sa sortie sur le plateau de Quotidien. J’avais déjà envie de le voir et j’étais donc contente de trouver le DVD à la médiathèque de ma ville en ce début d’année. J’ai choisi de vous parler de ce film dans le cadre du Movie Challenge 2022, catégorie un film réalisé par une femme.
Pupille c’est l’histoire du parcours d’un bébé né sous le secret. C’est une fiction qui tient presque du documentaire et où les personnages sont tous plus touchants les uns que les autres ! J’avais une vague idée de ce qu’était le parcours d’adoption et j’ai appris pas mal de choses dans ce film à ce sujet.

Le parcours de l’adoption
Tout commence par un accouchement. L’arrivée à la maternité sur le point d’accoucher par une jeune femme qui ne donne pas son nom. Elle est accompagnée par l’équipe pour mettre au monde un petit garçon. Il lui est proposé de le tenir, de le voir, de le parler, de l’allaiter ou de le nourrir au biberon.
On voit l’équipe sortir le guide de procédure, comme quoi cela ne doit pas arriver souvent, et appeler une assistante sociale. Cette femme arrive pour voir la mère biologique, elle lui parle, lui explique la procédure, les délais, qui sont à la fois longs et courts. Elle a 3 jours pour remplir le procès verbal d’abandon et le document qui sera potentiellement remis à l’enfant s’il souhaite connaître ses origines, peu le font. Il n’y a que l’assistante sociale qui signe le procès verbal et l’emmène à la mairie pour déclarer la naissance de l’enfant. La mère peut lui donner un nom.
Ensuite, l’enfant est considéré comme un pupille temporaire pendant 2 mois, pendant lesquels la mère peut se rétracter et finalement élever son enfant. Il est accompagné par une éducatrice spécialisée et un assistant familial qui vont s’assurer du bien-être de l’enfant pendant cette période.

Pendant ce temps, l’aide sociale à l’enfance travaille afin d’étudier, parmi les parents agréés potentiels, qui sont ceux qui vont pouvoir accueillir cet enfant pour l’élever. Comme il est mentionné dans le film : l’équipe ne cherche pas un enfant à des parents mais bien des parents adoptifs à un enfant abandonné. L’adoption est ouverte, selon les cas, aux familles mono-parentales et aux couples.
Au bout des deux mois, le ou les parents peuvent commencer le processus d’apparentement. Tout d’abord une rencontre a lieu dans un lieu neutre puis il y a plusieurs visites longues auprès de l’assistant maternel pour prendre confiance l’un en l’autre. Puis c’est le départ pour la nouvelle vie qui s’organise et qui commence ! L’assistant maternel ne peut pas contacter la famille mais l’inverse est possible.
Des parcours de combattants
Au delà de ce parcours écrit dans les procédures administratives, il y a de vrais gens. Ces gens ne pourraient pas tous participer à un documentaire car le principe d’une naissance sous le secret, c’est qu’il y a un secret. Le travaille de Jeanne Herry a été de créer des personnages fabuleux qui, bien que nombreux, ont tous une vie profonde, des parcours différents et des caractères riches. Les caractères sont nombreux et se croisent finalement peu, et pourtant ils ont chacun leur place pour exprimer une partie du parcours, l’importance de leur rôle dans la procédure générale et qui ils sont en particulier.

La mère biologique
C’est le personnage qu’on voit le moins du film, elle s’appelle Clara mais choisit de se faire appeler Charlotte. Elle a 21 ans, est étudiante, est tombée enceinte suite à une nuit sans lendemain. Elle a espéré ne pas être enceinte pendant longtemps avant de se rendre à l’évidence qu’il allait falloir accoucher. Elle n’a pas été suivie pendant sa grossesse. Aux premières contractions, elle quitte son appartement, monte sur son scooter et se rend à l’hôpital.
Elle est accueillie et accompagnée par l’équipe de la maternité pour mettre au monde ce bébé. Elle refuse de le voir, de lui parler, de le nourrir. L’assistante sociale arrive rapidement en fin de journée, elle lui explique ce qui va se passer. Cela lui permet d’expliquer les raisons de sa décision d’accoucher sous le secret. Elle n’a pas désiré cet enfant et veut pour lui la meilleure vie possible avec des parents prêts à le recevoir et à l’élever.
Elle ira le voir son bébé la nuit de son accouchement « pour lui dire au revoir » mais ne dira mot. Après la signature des documents et la remise d’une lettre, qu’elle autorise l’assistante sociale à lire, elle reprend le cours de sa vie étudiante.
Le personnel de l’hôpital
Elles sont plusieurs a accueillir et accompagner le petit Théo au début de sa vie. Sages-femmes et infirmières se relaient en attendant la désignation de l’assistant maternel pour s’occuper du bébé appelé Théo. L’équipe continuera à prendre s’en occuper pendant les nuits que l’assistant ne passe pas à l’hôpital.
L’assistante sociale de la mère biologique
C’est le personnage qui m’a fait le plus entrer dans l’histoire. Il émane de Mathilde François une douceur et un apaisement bien qu’elle débite en entrée de jeu la procédure d’une façon neutre. C’est aussi ce que je trouve admirable dans le jeu de Clothilde Mollet, elle transmet cet équilibre très juste de l’accompagnement et de la disponibilité ainsi que l’absence de jugement et l’écoute. Le rendu est au départ un peu froid mais les deux femmes s’ajustent l’une à l’autre et un dialogue et une confiance peuvent alors s’installer.
Elle accompagne la jeune femme dans la rédaction et la préparation du dossier pour que Théo soit pris en charge. Témoin de la confiance qui s’est installée, Clara lui laisse choisir le 3e prénom du bébé et lui révèle le sien avant de partir. Puis elle emporte le tout à la mairie pour enregistrer l’enfant. Normalement son travail sur ce dossier s’arrête là.
Toutefois, comme le petit Théo aura ensuite des difficultés de développement et d’éveil, elle sera rappelée afin d’éclaircir quelques points. Elle continuera à protéger la mère biologique en ne divulguant rien de son identité ou de sa situation. Elle retournera à la maternité afin de savoir ce qui s’est passé durant la nuit après l’accouchement. C’est là qu’elle comprend que Clara n’a rien dit à son bébé grâce aux équipes du service de maternité. Elle ira ensuite chez l’assistant maternel pour raconter à Théo les raisons de son abandon, à partir de l’histoire transmise par Clara, ce qui décoincera le problème chez le bébé.
L’éducatrice spécialisée

Jouée par Sandrine Kiberlain, l’éducatrice spécialisée a pour rôle de défendre les enfants, de les accompagner et de leur trouver les situations familiales les plus épanouissantes possibles. C’est une femme engagée dans son travail. C’est avec son équipe qu’elle choisit l’assistant maternel qui va accueillir le pupille. Ce n’est pas un hasard si elle choisit Jean. Elle en est en réalité amoureuse. Elle a d’ailleurs quitté son compagnon pour cette raison.
Elle a toujours les poches pleines de bonbons et joue avec les enfants notamment pour lui en faire deviner les couleurs à l’aveugle. Elle a une relation proche avec eux ce qui permet de les accompagner et de prendre des décisions sur leurs relations avec leurs parents : droits et conditions de visite par exemple.
L’assistant maternel

Jean est joué par Gilles Lelouche. Au début de l’histoire, il a à sa garde 2 jeunes garçons, frères, dont un a un trouble du comportement qui lui fait risquer la vie de son petit frère. Jean demande alors à ce que les deux frères soient séparés, ce qui lui est refusé. La seule solution pour lui est alors de demander à ce que les 2 garçons soient placés ailleurs.
Jean aime sa femme, il est homme au foyer et s’épanouit dans les tâches ménagères. Le travail de sa femme ne l’épanouit pas et il met donc un point d’honneur à ce que la maison soit la plus agréable possible quand elle rentre. Ce qui fait de Jean l’homme idéal dont le personnage de Sandrine Kiberlain tombe amoureuse.
Suite à sa crise existentielle, Jean se laisse convaincre par l’éducatrice spécialisée de prendre en charge Théo. Entre bons conseils et attention, il va apprendre à connaître et accompagner ce bébé vers un bon développement afin de le préparer à sa future famille. Il accompagnera aussi la future maman pour apprendre à connaître Théo, ses réactions et facilitera la transition.
L’assistante sociale de la mère adoptante

Joué par Olivia Côte, cette assistante sociale est un plaisir à voir. Comme souvent les rôle de cette actrice : elle a un humour incisif, ne se laisse pas marcher sur les pieds et fait aussi preuve de douceur et de bienveillance. On comprend durant le film que pendant le processus d’adoption de Théo, elle est au début de sa quatrième grossesse.
Ce personnage accompagne des couples et des personnes seules dans leurs dossiers de demande d’agrément pour l’adoption. Elle participe à leur évaluation : les reçoit dans son bureau, visite leur maison. Dans une scène, elle visite un couple suite à leur demande d’agrément. Le monsieur est énervé et la coupe dans son compte-rendu pour lui demander le résultat positif ou négatif. Elle tente de l’apaiser mais il la coupe encore et elle décide alors de lui asséner que oui son avis est défavorable car ils ne sont pas prêts, qu’elle était prête à leur expliquer pourquoi, il la coupe encore et la menace d’arriver à ses fins d’avoir un enfant même contre son avis. Elle lui rétorque alors, un de mes moments phare de ce film, que son rôle n’est pas de trouver des enfants à des parents mais des parents à un enfant. BAM !
Dans les dossiers d’adoptant de cette assistante sociale il y a une femme de 40 ans qui remplir des dossiers d’agréments depuis 10 ans. C’est elle qui va proposer son dossier en conseil de famille et appuyer sa demande dans le cas de Théo.
La mère adoptante

Alice est le personnage final de cette chaîne d’adultes autour de Théo et pourtant c’est elle qui l’attend depuis le plus longtemps. Son parcours permet de voir l’évolution d’un parcours d’adoptant. Elle fait partie de la première scène du film : l’annonce qu’elle va pouvoir adopter Théo. Elle n’en revient pas et demande même si elle doit soutenir son dossier pour finalement se rendre compte que c’est déjà fait. Elle va être maman.
On a ensuite la présentation d’Alice selon la formulation de son dossier, dans une version très administrative qui décrit son parcours familial, sa personnalité en mettant Madame à tout les sujets. Madame travaille dans le milieu du handicap, Madame est issue d’une fratrie de tant d’enfants avec lesquels elle garde un lien fort, etc. C’est particulier car cela raconte toute sa vie et pour autant elle reste presque anonyme dans ce portrait.
On la voit, il y a 8 ans, avec un compagnon, sur le point de se marier, car c’est un requis ou tout du moins un point favorable, pour adopter à ce moment-là. Puis on la retrouve effondrée en plein divorce, il lui est alors conseillé de se reconstruire avant de refaire ses dossiers. En demande d’enfant, en tant que femme seule, elle ouvre sa demande à des enfants plus grands ou « à besoin spécifique » c’est-à-dire avec une maladie, plus ou moins grave dont elle précise lesquelles sur une liste. On la voit enfin dans un dernier rendez-vous où son désir demeure mais il est apaisé, elle est prête !
Je ne me souviens pas s’il est inscrit le temps entre ce rendez-vous et l’adoption en elle-même. Toutefois on découvre Alice dans sa vie quotidienne. Elle est audio-descriptrice de théâtre, elle est entichée de l’acteur principal de la pièce qu’elle décrit au moment de l’adoption.
Il est touchant de voir comment cette annonce la perturbe. A tout moment, elle pense que l’administration va changer d’avis et lui retirer Théo. Elle craint de mal faire tout en ayant confiance dans ses capacités de mère. Elle est accompagnée, rassurée et finalement elle peut s’épanouir et offrir à Théo un avenir aimant ! Elle le baptise Mathieu, car chaque mère a le droit de choisir le nom de son enfant.

Un film touchant et drôle : humain
Je savais d’avance que ce film allait me plaire, et pourtant, j’ai été agréablement surprise. C’est un film doux mais pas ennuyeux, sentimental sans être mièvre, sérieux avec ce qu’il faut d’humour, parfois de ridicule comique quand Alice est tellement remuée par l’arrivée proche de Théo qu’elle bouleverse toute la description de la pièce…
Finalement, ce qui est recréé ici c’est la vie, presque pure et simple, dans ses dimensions les plus vastes et restreintes. C’est vraiment une prouesse d’avoir su en 1h45 intégrer autant d’informations pour faire vivre au spectateur une expérience de vie intense qui a le goût du vrai (et des bonbons crocodiles).
J’ai trouvé beau que ce soit une femme seule qui adopte, j’ai trouvé beau que ce soit un assistant maternel qui accueille le bébé. Ce sont de petits éléments qui rendent aussi ce film particulier, détaché du cas qu’on pourrait se dire général, pour finalement comprendre que chaque histoire est particulière. Quand bien même la démarche administrative est la même, l’adoption est un chemin d’humanité singulière, extrêmement bien retranscrit dans ce film.
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